Osons le silence!

Et plus son silence se fit pesant, plus son échec devint patent et une vie n'aurait point suffi à résumer ces instants de vide en quelques phrases, agrémentées de mots, de sujets, de verbes et de compléments se bousculant dans son esprit, entre quelques virgules et points d'exclamations, meublant des citations et s'envolant dans des phrasés excitants ou pusillanimes.

Et même un empire n'aurait point suffi pour abriter la magistrale bibliothèque qui aurait dû consigner ces flots de mots non-dit dans des ouvrages somptueux, alignés à perte de vue comme des lits en fer dans un dortoir pour collégiens disciplinés.Ces flots de mots imposés par un silence de circonstance, de ceux qui surgissent malgré soi!

Puis le silence qu'il s'était imposé se transforma avec les jours en mutisme et à la fin, il n'arrivait même plus à contenir le flot de pensées qui le hantait jours et nuits.

Tant et si bien qu'il se trouva fort ennuyé à gérer seul ses émois dans ce silence monacal d'où même un miracle n'eut pu l'extraire!

Finalement la bibliothèque des mots non dits, celle du silence dans lequel il s'était emmuré vivant s'était muée en purgatoire où des ombres féminines silencieuses déambulaient en jupons noirs montant et descendant des marchepieds en bois vernis, à la recherche d'ouvrages rares et illisibles dans cet empire mortifère, fait de rayonnages de livres, à peine éclairés par quelques bougeoirs lugubres!

Osons le silence se murmurait-il à lui même, telle une douce mélodie fredonnée, une punition, une abnégation, une flagellation, un châtiment, même un néant et un aveu d'impuissance ou pourquoi pas une manifestation de la toute puissance infantile! Enfin ça dépendra du silence franchement!