LE CÉLIBATAIRE #DPDP

Le vénérable Monarque de toutes les ambitions et divisions recuites et rances décida un beau matin d'afficher avec la morgue et la bienséance qui convenaient à son rang son statut de célibataire endurci, par des années de lutte acharnée avec la gent féminine de plus ou moins basse extraction qui, il faut bien se l'avouer, n'avait pas été des plus amène avec lui.C'est ainsi qu'un beau matin gris d'hiver, le vénérable Monarque posa son séant royal sur un fauteuil Louis XV et rédigea une simple déclaration dans ce qui restait de son bureau ...En effet la semaine précédente une tempête un peu tropicale avait littéralement saccagé son cabinet particulier ( le transformant en "Cabinet de curiosités") et emporté le marbre de son ancêtre le Roi des Huns dans un tourbillon foudroyant laissant la statue en miettes sur le tapis épais offert par le Roi de Prusse.Un malheureux domestique, depuis lors congédié, avait omis de fermer le petit vasistas du pigeonnier qui menait par un escalier dérobé (dont seul le Seigneur de Quimper connaissait l'existence) en colimaçon au bureau du Monarque et le vent avait eu raison des tentures et bibelots en s'engouffrant furieusement par ce passage secret et fatal...Le Monarque donc, encore en robe de chambre, un peu décoiffé mais l'œil vif et la plume acérée rédigea une missive dominicale destinée à informer son peuple de ses intentions de mener une vie de célibat: " Après mûre réflexion et ayant dépassé le demi-siècle sans broncher, je décide par la présente après avoir consulté le Pape et les chevaliers de Latrans, de me consacrer exclusivement à la lourde charge qui est la mienne et d'opter pour une vie mesurée de Célibat." La missive fut portée au grand Chambellan à faire valoir ce que de droit.Puis le Monarque s'en alla pèleriner sur la Tombe de la Reine Mère chez les Ducs de Normandie et fit escale au pensionnat de Jésuites qui l'avaient si bien éduqué enfant et lui avaient donné ce sens de la rigueur presque Janséniste. Et le Monarque célibataire s'en revint tout guilleret en son Palais.Plus aucune fête n'y fut donnée, seul le protocole y avait droit de cité et les réceptions officielles succédaient aux réceptions officielles dans un décorum aux fastes modestes, un peu pingre presque...Le peuple ne tarda pas à s'apercevoir qu'il manquait une Reine de coeur, dans ce tableau idyllique car la tristesse et le capharnaüm qui régnaient dans les appartements du Monarque attifé comme l'as de pique, ne tardèrent pas à faire les choux gras des rares visiteurs qui y étaient admis.Mais le vénérable Monarque de toutes les ambitions et divisions recuites n'en avait cure, il savait que ses jours étaient comptés au pouvoir vu son âge avancé et l'usure particulière inhérente à la charge et tenait à profiter seul et pleinement de tous les avantages dûs à son rang.C'est ainsi que le célibataire le plus couru du royaume demeura solitaire jusqu'à la fin de son règne illustre et mémorable, abandonnant même l'idée très lointaine d'une quelconque gaudriole et surtout brillant par son ascétisme et son abstinence pénitente de tous les plaisirs (culinaires bien entendu), ascétisme de bon aloi avec lequel seul un moine défroqué aurait pu bêtement chercher à rivaliser...D'ailleurs c'était tout à son honneur que de mettre les affaires du Royaume de France au dessus de toute contingence ou distraction terrestre futile et stérile...Bientôt les affidés du Monarque adepte déclaré du célibat tardif, prirent l'habitude de dire qu'ils se rendaient non plus au "Palais Royal" mais au "Monastère Monarchique"."Quand on n'aime plus, on compte chaque centime comme une obole, et chaque met est une ostie" telle eût pu être la devise inscrite au fronton du Palais dans la coure d'honneur à la vue des visiteurs ébahis...